Histoire

Des origines à la Révolution

Des avocats à Lille dès le 11e siècle 

Il y a eu des avocats à Lille dès le 11ème siècle, époque à laquelle la 'curia' du comte de Flandre tient des audiences dans le Chateau de la Salle, que le comte a fait édifier en bordure de la Deûle, là où se situe le portus primitif. Au cours du siècle suivant ou peut-être au tout début du 13ème siècle se met en place l'Echevinage, composé de magistrats élus qui ont à la fois pour charge d'administrer la cité et de rendre la justice .En 1235 l'Echevinage, qui va devenir la plus importante juridiction lilloise sur le plan du nombre des causes litigieuses, reçoit sa Charte des mains de la comtesse Jeanne. Lille sera jusqu'à la Révolution le siège de très nombreuses institutions judiciaires, à certaines époques même le siège de la Cour suprême de justice soit du comté soit des Pays-Bas. Les deux premiers avocats dont les noms soient connus sont Pierre de Courtray et Gérard Delebecque, qui exercent leur profession en 1422 ; leur nom apparaît cette année là dans les comptes de la ville au titre des honoraires qu'ils ont perçus pour leurs prestations au service de l'Echevinage. En 1612 les Avocats et Procureurs (ces derniers étant les actuels avoués) postulans les Ville et Chatellenie de Lille présentent aux Archiducs autrichiens une requête tendant à obtenir une augmentation de leurs émoluments ; ils écrivent à cette occasion qu'ils sont au moins 100. Ce chiffre est à rapprocher de deux autres : il y avait environ 40 procureurs à Lille en 1450 et sur le registre des affaires nouvelles de l'Echevinage en 1592 figurent les noms de 33 procureurs. On peut en déduire que le nombre des avocats devait être alors d'une quarantaine. Mais il faut observer que les variations ont été très importantes selon les époques.

1715 : Le début de l'indépendance du barreau 

En 1715, le Parlement de Flandre, siégeant à Douai (après avoir été installé à Tournai puis à Cambrai) reconnait à la "Communauté"' des avocats le droit de se choisir un Bâtonnier ou Doyen, celui de dresser chaque année le tableau des inscrits, celui d'édicter un Règlement et encore celui de prononcer des peines disciplinaires.

C’est le début de l'indépendance du Barreau. Les avocats qui désirent exercer leur profession à Lille prêtent serment devant le Parlement puis se présentent devant la Gouvernance, tribunal royal installé à Lille, pour se faire inscrire sur le tableau.Telle est du moins la règle qui ne sera pas toujours respectée. Pendant un temps les avocats lillois auront la faculté de se faire inscrire sur les deux tableaux, celui de Douai et celui de Lille, mais en 1824 la Cour d'appel (nouveau nom de l'ancien Parlement) interdira cette pratique. En 1789, le tableau des avocats lillois comporte 44 noms.

Sous la Révolution et le Consulat

Cette époque est marquée par :

  • La destruction d'édifices importants ; 
  • La séparation des fonctions administratives et judiciaires et la mise en place de nouvelles juridictions ; 
  • La suppression des avocats : certains membres du barreau s'exileront (d'autant plus facilement que la frontière est à quelques kilomètres) ; d'autres poursuivront leur métier en qualité de défenseurs officieux ; l'un d'entre eux sera guillotiné pour avoir apporté son aide aux "aristocrates et aux émigrés".
    Il faut néanmoins souligner que la Terreur, lorsqu'elle a sévi, a été beaucoup moins féroce à Lille qu'en d'autres lieux.

Un Empire à l'autre

Après le rétablissement du Barreau en 1810, un Palais de justice est édifié au quai de la Basse Deûle en 1839, là où s'élevaient autrefois le château de la Salle et la collégiale St Pierre. Les grandes transformations économiques et sociales de cette ère (chemins de fer, industries...) ont une incidence sur la profession confrontée à de nouvelles matières : travaux publicsdroit administratifexpropriations, droit des brevets, etc. L'avocat lillois apprend à plaider autrement et devant des juridictions différentes. La guerre de 1870 d'une durée très limitée et dont les opérations principales se déroulent relativement loin de Lille, n'a pas d'incidence sur le barreau lillois, dont pourtant l'un des jeunes membres - Fockedey - est tué dans des conditions inconnues.

De 1871 à 1945

Les événements qui marquent la vie du barreau avant la première guerre mondiale :

L'installation d'avocats hors la ville de Lille et d'abord à Roubaix, après une farouche bataille judiciaire à laquelle met fin un arrêt de la Cour de cassation daté de 1893. 
Une bataille encore plus âpre et longue entre une partie des avocats (qui réussissent à embarquer dans leur lutte un conseil de l'Ordre pour le moins réticent) et les "agréés" créés par les tribunaux de commerce de Roubaix et de Tourcoing ; cette bataille va durer de 1899 à 1936 et verra le maintien, sous certaines réserves, de la profession d'agréé. 

L’entrée des femmes dans la profession d'avocat.
Le 2 février 1914 une demoiselle Demarez prête serment devant la Cour d'appel de Douai.
Mais à cause de la survenance proche de la "grande guerre" on ne trouve ensuite sa trace sur aucun tableau des barreaux du ressort de la Cour.
C'est donc seulement après la fin des hostilités, le 17 novembre 1920, que se présentera une nouvelle impétrante en la personne d'Adrienne Gobert qui entrera au barreau de Lille... pour ne jamais cependant exercer la profession.
Si bien que les Lillois considèrent généralement que leur première consoeur fût Marie-Louise Vautrin, qui quelques années après son inscription épousa un confrère et devint Madame Kah.

La première guerre mondiale affecta considérablement le barreau de Lille :

Environ cinquante pour cent des mobilisables furent appelés sous les drapeaux et 12 furent tués, dont la moitié au cours des cinq premiers mois d'hostilités.
La ville subit de très importants dégâts et fût occupée par les troupes allemandes pendant toute la durée du conflit. 
La ligne de front, qui en ce point du territoire français subit peu de modification pendant quatre ans, scinda en deux le territoire du tribunal de Lille.
L'activité judiciaire fût presque nulle. 

En 1921, le barreau à peu près reconstitué comptait 116 avocats dont 36 stagiaires, pour 136 en 1912.

Entre les deux guerres mondiales :

Lille s'est d'abord distinguée dans le combat judiciaire tendant à faire respecter le titre d'avocat qui, à raison de modifications législatives, revêtait une acception nouvelle plus étroite : désormais ne pouvait plus utiliser le titre que celui qui était inscrit sur le tableau d'un barreau, à l'exclusion du diplômé en droit qui s'était borné à prêter serment d'avocat devant une Cour d'appel. Cependant, il convient de préciser que certains, pour pouvoir se parer du titre d'avocat, se firent inscrire sur le tableau de Lille sans intention d'exercer en fait la profession et que cette situation persista jusqu'en 1970 environ. Depuis 1869, les avocats stagiaires avaient l'obligation de se réunir périodiquement pour se livrer à des exercices pratiques de la profession, notamment de plaidoirie ; cette réunion était connue sous le vocable "Conférence du stage". En 1923, le conseil de l'Ordre décida d'instituer un concours annuel d'éloquence ouvert à ces stagiaires, les lauréats recevant le titre de "(Premier ou deuxième ou troisième ) Secrétaire de la Conférence". Le ou les Secrétaires ainsi désignés remplissaient un rôle particulier dans les exercices de l'année suivante et en outre étaient invités à prononcer un discours public lors de la cérémonie officielle de la Rentrée de la Conférence du Stage. La plupart de ces discours ont été imprimés. En 1931, à l'initiative de Julien Caille, Jean Brackers d'Hugo et Paul Thellier fût créée l'Association des Anciens Secrétaires, qui eût longtemps une influence importante sur les élections professionnelles.

La seconde guerre mondiale :

La seconde guerre mondiale a entrainé la mobilisation puis la captivité d'un certain nombre d'avocats qui avaient déjà servi sous les drapeaux lors de la première guerre, et bien entendu aussi de confrères plus jeunes. Cinq sont morts (Henri Carpentier, Edmond Bailloux, Marcel Hénaux, Emile Mouy, Jean Lavaud), après la fusion en 1971 des professions d'avocat, d'avoué et d'agréé, le Barreau a ajouté à leur nom celui d'Etienne Maillard, agréé à Tourcoing. Marcel Hénaux et Jean Lavaud ont été arrêtés par les allemands comme 'résistants' ; le premier est mort d'épuisement dans un camp de déportation, le second a été décapité. Par ailleurs, les avocats juifs, éloignés de Lille au moment de l'invasion de mai 1940, se sont abstenus d'y revenir et ont réussi à échapper à l'extermination programmée par les nazis.

Depuis 1945 ou cinquante ans de mutations

Une profession nouvelle se forge au fil des réformes :

Allongement des études universitaires (la maîtrise en 4 ans se substitue à la licence en 3 ans), exigence d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, installation d'une Ecole d'élèves avocats et d'un Centre de formation professionnelle dans le cadre de la Faculté de droit de Lille. 
Création de spécialités.

1971 : Fusion des professions d'avocat, d'avoué et d'agréé : il y a alors 8 avoués à Lille (mais certains clercs remplissent aussi les conditions nécessaires pour devenir avocats), 3 agréés à Roubaix et 2 agréés à Tourcoing. En 1979, un ancien avoué, Pierre Debavelaere, est élu bâtonnier.

1991 : Fusion avec les conseils juridiques : 99 de ceux-ci s'inscrivent au barreau lillois. 
L'apparition de sociétés civiles professionnelles favorise d'une part le travail en groupe, d'autre part la patrimonialisation des cabinets.

Le Barreau sort du Palais :

Le barreau lillois prend les mesures nécessaires pour répondre au besoin de "communication" qui se montre de plus en plus pressant et pour affirmer que l'avocat n'est pas seulement un plaideur. Une Maison de l'Avocat est achetée rue d'Angleterre en 1982 et inaugurée après aménagements nécessaires en 1984.
Une Cour d'arbitrage, la CAREN, est créée en 1989 avec le concours des Chambres de commerce et d'autres professions. 
En 1995, le barreau de Lille fonde, en collaboration avec les Chambres de commerce et avec toutes les organisations professionnelles du droit et du chiffre une association dénommée Lille Place Juridique, chargée de promouvoir les compétences juridiques de la région afin d'accroître leur rayonnement à l'échelle européenne.

De nombreux groupements professionnels nouveaux éclosent :

Jusqu’en 1943, une seule association existait au barreau de Lille, celle des Anciens secrétaires de la Conférence (cf. supra). Cette année-là, Charles Lubrez crée avec une dizaine de confrères le Jeune Barreau Lillois, qui va changer de nom pour prendre la dénomination d'UJA (Union des Jeunes Avocats) utilisée par des groupements analogues formés dans d'autres barreaux va, contribuer à la fondation du Comité Central des UJA, devenue ultérieurement la FNUJA. A partir des années 50 on voit apparaitre à Lille successivement une section de l'ANA (Association Nationale des Avocats, qui elle aussi va changer plusieurs fois de nom), le Syndicat National des Avocats à l'existence brève, une section du Syndicat des Avocats de France, une section de l'Association des Avocats Conseils d'entreprises, et d'autres encore...Cette floraison marquant d'évidence une dispersion des opinions mais aussi des efforts, le barreau lillois est agité par des discussions relatives à son adhésion à la Conférence nationale des Bâtonniers.

Un nouveau Palais de Justice

Un nouveau Palais de Justice est édifié à partir de 1960 à l'emplacement du Palais de 1839 qui est purement et simplement démoli en même temps que les quatre anciennes prisons (désaffectées) qui l'entouraient. C'est en janvier 1969 seulement que les nouveaux locaux pourront être occupés.

Le Barreau de Lille participe à la création et au développement de l'Europe

  • En se jumelant avec les barreaux de Cologne (6 décembre 1969), de Charleroi et de Manchester, en créant une association de Juristes européens
  • en prenant une part active à la diffusion et à la connaissance du Droit européen,
  • en intervenant dans la création même de ce droit : affaire Razanatsimba (aff. 65/77, arrêt de la CJCE du 24 novembre 1977) ;  
  • établissement par le Conseil des Barreaux européens d'un Code communautaire de déontologie unanimement adopté à Strasbourg en octobre 1988 et ratifié ensuite par l'ensemble des autorités compétentes des Etats membres et de nombreux autres pays.